Le 14ème webinaire de la SFNDT avait pour thématique les « actualités thérapeutiques en néphrologie », un sujet particulièrement bien venu dans la période faste que dessinent les derniers grands essais parus dans notre discipline.
Dans la première présentation de ce webinaire, le Dr Pierre Bataille a fait un point détaillé sur les résultats de l’étude Advocate. Cet essai de phase 3, publié dans le NEJM en février 2021 a évalué l’intérêt de l’avacopan, un inhibiteur oral du récepteur de C5a, dans la vascularite à ANCA active (GPA ou PMA). Les auteurs ont comparé l'avacopan à la prednisone selon un schéma décroissant. Etaient notamment exclus les patients présentant une hémorragie alvéolaire sous assistance ventilatoire, dialysés ou ayant bénéficié d’échanges plasmatiques. Les 331 patients inclus ont reçu soit du cyclophosphamide (suivi d'azathioprine) soit du rituximab. Le premier critère d'évaluation principal était la rémission, définie comme le score d'activité BVAS à la semaine 26 sans corticoïdes. Le deuxième critère d'évaluation principal était la rémission soutenue, définie comme la rémission aux semaines 26 et 52. Une rémission à S26 a été observée chez 72,3% des patients recevant de l'avacopan vs 70,1% chez ceux sous prednisone (P<0,001 pour la non-infériorité; P=0,24 pour la supériorité). Une rémission prolongée à S52 a été observée chez 65,7% des patients sous avacopan vs 54,9% sous prednisone (P<0,001 pour la non-infériorité; P=0,007 pour la supériorité). A la semaine 52, le DFGe était plus élevé dans le groupe traité par l'avacopan, et la différence était plus prononcée chez les patients avec un DFGe de base <30 ml/min/1,73 m2. Des événements indésirables graves (à l'exclusion de l'aggravation de la vascularite) sont survenus chez 37,3% des patients recevant de l'avacopan et chez 39,0% de ceux recevant de la prednisone. Si des incertitudes persistent, notamment sur l’intérêt dans les formes les plus sévères ou sur le rapport coût bénéfice de l’avacopan, il ne fait pas de doute que ce nouveau bloqueur du complément est susceptible de modifier durablement la stratégie thérapeutique dans les vascularites à ANCA prises en charge en néphrologie.
Le Pr Gabriel Choukroun a ensuite présenté les résultats du volet rénal de l’étude Carenfer. Ce travail s’est attaché à faire un état des lieux de la carence martiale chez les patients atteints d’insuffisance rénale chronique. Au total 1245 patients issus de 25 centres français ont été inclus. Environ la moitié des centres ayant participé réalisait systématiquement un bilan martial dans le suivi de l’IRC. Les résultats des analyses pratiquées dans Carenfer montrent qu’environ 50% des patients IRC suivis ont une carence martiale et que seuls 11% reçoivent une supplémentation en fer, principalement per os. Ces pourcentages augmentent proportionnellement à la sévérité du stade d’IRC et suggèrent une amélioration possible des pratiques pour se rapprocher des recommandations.
Enfin, le Dr Vincent Javaugue, néphrologue à Poitiers au sein du CNR amylose AL et maladies à dépôts d’immunoglobulines monoclonales, a présenté les principales avancées thérapeutiques dans les maladies rénales associées aux gammapathies monoclonales. Concernant l’amylose AL, la stratégie classique repose sur l’identification du type cellulaire en cause (plasmocytaire vs lymphoplasmocytaire) et la sévérité de l’atteinte, notammment cardiaque évaluée par le score de la Mayo Clinic. En cas de clone plasmocytaire les formes les plus sévères bénéficient de de bortézomib-dexaméthasone-cyclophosphamide, contre melphalan-dexaméthasone éventuellement associé au bortézomib, pour les formes moins sévères. En l’absence de myélome la durée de traitement recommandée est de 6 à 9 mois. Le traitement de l’amylose AL liée à un clone lymphoplasmocytaire repose sur rituximab-bendamustine éventuellement associé au bortézomib. La place de l’autogreffe de moelle est actuellement quasi-nulle en France, réservée aux patients très jeunes et rarement en première ligne. La principale avancée thérapeutique qui fait évoluer cette stratégie est l’émergence de données favorables avec l’utilisation du daratumumab, un anticorps monoclonal anti-CD38 qui cible les plasmocytes. Une étude française chez 40 patients a notamment montré l’impact rapidement favorable en terme de réponse complète d’un traitement court de 6 mois par daratumumab chez des patients en 2ème ou 3ème ligne thérapeutique (Roussel M. et al. Blood 2020). L’étude Andromeda est une RCT sur près de 400 patients comparant un schéma classique de première ligne de l’amylose AL associé ou non au daratumumab. Elle a montré des bénéfices clairs du daratumumab sur les réponses hématologique, cardiaque et rénale et ouvre des perspectives importantes chez les patients atteints de formes modérément sévères et sévères d’amylose AL. Le daratumumab est potentiellement un traitement prometteur dans les glomérulonéphrites prolifératives à dépôts monotypiques (PGNMID), comme le suggère une petite étude rétrospective récemment publiée sur 10 patients (Zand L. et al. JASN 2021). Le Dr Javaugue a ensuite présenté l’impact thérapeutique de l’identification d’altérations cytogénétiques spécifiques (translocation 11:14) rencontrées dans certaines amyloses AL, ainsi que les perspectives intéressantes autour de traitements ciblant directement les dépôts amyloïdes.
Ce webinaire, soutenu par Vifor et qui a été particulièrement suivi, est accessible en replay : https://attendee.gotowebinar.com/recording/6810700892642316557
Dominique Guerrot