PRENDRE SOIN DU PROCHAIN, PRENDRE SOIN DU LOINTAIN
Bruno DALLAPORTA
Aux Editions Bayard
Bonjour, je suis Bruno Dallaporta, médecin, néphrologue et compétent en éthique médicale et je travaille à la fondation. En mars 2020, au début de l’épidémie Covid-19, par un retournement inattendu, les valeurs du soin sont redevenues les premières valeurs de la démocratie : les soignants ont été applaudis tous les soirs, les médecins ont été consultés, et les métiers du care, c’est-à-dire les métiers du soin qui habituellement sont invisibles et sous-payés, les infirmières, les aide-soignants, les éboueurs ont reçu une reconnaissance sociale inédite.
Dans ce livre ce que j’essaie de montrer c’est que les valeurs du soin sont des valeurs de la démocratie mais aussi des valeurs de l’écologie. Comme vos les savez tous les scientifiques nous alertent et nous expliquent que nous sommes dans une crise écologique majeure, une crise de notre habitat terrestre. Je veux dire que le soin l’on porte au corps malade, si on le théorise de façon philosophique a quelque chose à nous dire sur le soin qu’il faudrait porter à la Terre malade.

Le premier chapitre traitera de la responsabilité. La responsabilité que nous avons à l’égard de la vulnérabilité des personnes malades a-t-elle quelque chose à nous dire de la responsabilité qu’il nous faudrait avoir à l’égard des écosystèmes vulnérables. Mais alors élargir notre sentiment de responsabilité du corps malade à la Terre malade ?
Dans le second chapitre qui s’intitule hospitalité, je montre que l’hospitalité possède des correspondances profondes avec le soin. D’ailleurs, les mots hôpital et hospitalité possèdent une étymologie commune. Le soin est une hospitalité, c’est-à-dire une disponibilité, un accueil mais il repose aussi sur une circulation de dons et de contredons entre soignants et soignés. Des égards et des attentions sont offerts, des traitements sont donnés et par un geste de retour, les patients offrent à leur tour. D’une manière plus élargie, la Terre est hospitalière envers nous. Elle nous accueille, nous donne de l’oxygène, des nutriments et nous offre un monde habitable. Pourrions-nous par un geste de retour, nous rendre plus hospitalier envers les autres êtres vivants ? Pourrions-nous par un soin porté au vivant instaurer de nouvelles reconnaissances réciproques entre humains et non humains afin de restaurer un sentiment de coappartenance ?
Le troisième chapitre s’appelle vérité. Je passe
Dans le soin, nous avons deux modes de relation à l’autre. Le prendre soin qui est une vérité de la relation, une présence sensible et une ouverture à l’autre, et le faire des soins qui est une exactitude technicienne, une objectivation du corps de l’autre et un agir thérapeutique. Ces deux types de relation – la vérité du prendre soin et l’exactitude du faire des soins ont quelque chose à nous dire sur notre rapport
à la Terre malade. Nous avons aujourd’hui dans notre rapport au monde un déficit de vérité, de présence sensible et d’attention et un excès de maîtrise, de prédation mortifère et d’extractions techniciennes.
Le quatrième chapitre parle de l’habitabilité commune. En effet, réaliser des soins, c’est aussi rendre le monde habitable pour autrui qui est vulnérable afin de favoriser sa survie. Mais alors comment instaurer une habitabilité commune entre humains et non humains ? Qu’est-ce qu’habiter la Terre aujourd’hui au XXI siècle en inter relation avec le vivant ?
Voilà je ne touche pas un centime, j’ai renoncé aux droits d’auteur, pour tenter d’incarner, maladroitement peut-être, que l’économie du don qui circule à l’hôpital est aux fondement de nos engagements. Et aussi que face à la crise qui s’annonce il faudra redistribuer et surtout mettre en commun.
Ah oui une dernière chose, le titre prendre soin du prochain, le prochain, c’est la personne malade, le proche, le visage dont on est responsable, prendre soin du lointain, le lointain c’est tout ce qui est éloigné de nous dans l’espace et dans le temps, la Terre, les autres vivants mais aussi les générations futures. Ce qu’il nous faut aujourd’hui c’est élargir notre responsabilité du visage au paysage.