Jules TRAEGER - 1920-2016

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Professeur Jules Traeger : Un géant de la Néphrologie et de la Transplantation

Le Professeur Jules Ernest Charles Traeger s’est paisiblement éteint à Lyon le 25 Mai 2016 à l’âge de 96 ans. Dans sa très grande carrière Hospitalo-Universitaire à Lyon, le Pr Jules Traeger fut non seulement un pionnier dans le monde de la néphrologie et de la transplantation, mais surtout un visionnaire avant-gardiste. Chef de Service et Professeur des Universités très jeune, il a su toujours s’entourer de professionnels comme lui, prêts à rendre l’impossible possible. Dès les années 1960 il avait reconnu l’intérêt vital de l’hémodialyse, non seulement aigüe mais surtout chronique. Il développa en conséquence sa pratique en centres de dialyse et aussi à domicile du patient, avec la possibilité de la réaliser quotidiennement, une idée qui pour cette époque semblait une utopie. La vie du patient insuffisant rénal chronique fut de ce fait transformée et une vie normale « sous dialyse » devint possible.

Il a intégré à la néphrologie « classique » la transplantation rénale, approche thérapeutique jugée expérimentale en cette période. Ainsi, la première greffe rénale eut lieu à Lyon en 1962 dans les murs de l’historique Hôpital Antiquaille en haut des collines lyonnaises. La difficulté d’obtention des greffons à cette époque l’a conduit à réaliser des xénogreffes avec des organes de chimpanzés en 1964 (bloc de deux reins ou bi-greffe), avec des résultats de survie incroyables, voire supérieurs à ceux obtenu de nos jours. Mais la transplantation rénale n’était qu’une partie de cette nouvelle médecine révolutionnaire. Le diabète causait d'innombrables dégâts physiques et était déjà une cause importante d’insuffisance rénale chronique et de décès. Le diabète deviendra un problème de santé publique majeur disait Jules Traeger. Il a donc songé à remplacer le pancréas défaillant par une greffe de pancréas. Dans les années 1970, Lyon était le centre mondial, avec Minneapolis, de cette nouvelle sorte de greffe miracle. Bien évidemment, ces prouesses chirurgicales ne furent possibles que grâce à la technique et à la dextérité géniale de son jeune élève urologue Jean-Michel Dubernard, et à l’étroite collaboration de la diabétologie de l’Hôpital San Raffaele à Milan dirigée par Guido Pozza.

Mais une greffe nécessitait impérativement un traitement spécifique pour éviter sa destruction par l’organisme receveur. Sous l’influence d’autres grands pionniers de l’époque, Thomas Starzl, Anthony Monaco aux Etats Unis et Michael Woodruff à Edinburgh, un sérum appelé antilymphocytaire fut produit à Lyon en un temps record de quelques mois. Les lymphocytes provenaient du canal thoracique des patients en attente de greffe et plus tard des thymocytes des fœtus. Il fut alors utilisé en clinique en 1966. Ce même sérum est aujourd’hui le traitement de prophylaxie du rejet de greffe le plus utilisé dans le monde.

Mais un grand « Patron » est surtout celui qui sait transmettre son savoir à des générations plus jeunes. Jules Traeger a su former avec rigueur un nombre incalculable de médecins venus du monde entier. Son unité était cosmopolite, ouverte, tolérante, pragmatique. Une très grande école de science et de médecine était née sous l’égide du Pr Traeger. Dès 1968, un Cours Européen avait précédé le Cours International de Transplantation et d’Immunologie Clinique (CITIC) qui réunissait tous les ans à Lyon depuis 1974 et durant presque 25 ans les plus importants noms du monde entier pour débattre sur les progrès de cette nouvelle science. Au sein de son Service on y retrouvait toute la médecine actuelle et moderne dite translationnelle, incluant la recherche fondamentale avec une unité INSERM, un laboratoire des petits et des grands animaux, la radiologie interventionnelle, la réanimation médicale, des blocs opératoires, des salles à flux laminaire, le tout dans un seul bâtiment, le légendaire Pavillon P de l’Hôpital Edouard Herriot.

J’ai rencontré pour la première fois le Pr Jules Traeger il y a 40 ans à Buenos Aires. Sa renommée, son charisme et sa sagesse m’ont rapidement conduit à son Service en 1980. Depuis, nous sommes devenus inséparables. Je lui dois tout. A sa retraite hospitalière en 1986, j’ai poursuivi ma carrière à Nantes. Mais Jules Traeger est toujours resté près de moi et de ma famille, toujours à l’écoute. Jusqu’à sa disparition, il m’a conseillé et apporté son soutien et son savoir, tant dans ma vie professionnelle que personnelle. Il était et restera mon père adoptif et pour mes enfants un grand-père bienveillant.

Sa disparition dans la tranquillité de sa maison face au verdoyant Parc de la Tête d’Or, dans la douceur du printemps lyonnais et main dans la main de sa fidèle épouse depuis 63 ans, fut sans souffrance. Jules Traeger, le travailleur infatigable, le marin passionné, le photographe dans l’âme, le fin amateur de musique classique, et le fabuleux médecin et grand chercheur, restera toujours dans nos mémoires, nos pensées et nos actes.

Au nom de toute la communauté de néphrologie et de la transplantation, j’exprime toute ma reconnaissance et mes plus profondes et sincères condoléances à son épouse Yvanne Traeger.

Diego Cantarovich

Service de Néphrologie, Institut de Transplantation, Urologie, Néphrologie (ITUN),
Centre Hospitalier Universitaire de Nantes, France.

Le professeur Traeger était un grand médecin. Il fallait le voir examiner un malade pour remarquer le souci qu'il avait pour tous les détails. Dans la vie lyonnaise il y avait eu Claude Bernard qui avait décrit est fait connaître le « milieu intérieur » Jules Traeger nous a appris à le restaurer.

Au tout début de sa carrière il avait ramené des États-Unis le ionogramme. Et il nous a appris à l'utiliser pour corriger ce milieu intérieur par la dialyse lorsque c'était nécessaire. À Lyon il y eut aussi Jaboulet qui fut le premier à pratiquer, au tout début du XXe siècle, les hétéro transplantations (un rein de porc sur le bras d’un jeune homme et un rein de chèvre sur celui d'une jeune fille). Là aussi Traeger suivit l'idée en transplantant en premier un rein de singe.

Il serait difficile de rappeler tout ce que Jules Traeger a fait pour développer la médecine et en particulier dans le traitement des insuffisants rénaux.

Nous perdons un grand homme et personnellement quelqu'un pour qui j'ai beaucoup d'affection.

Guy Laurent

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Le Professeur Jules Traeger nous a quittés le 25 mai 2016, dans sa 97ème année.

La communauté néphrologique honore la mémoire de cet homme qui fut un des leaders mondiaux de la lutte contre les maladies rénales. Professeur de Médecine à l’Université Claude Bernard en 1967, chef de service de Néphrologie de 1965 à 1986 à l’hôpital de l’Antiquaille puis à l’hôpital Edouard Herriot à Lyon, directeur de l’unité INSERM U80 de 1968 à 1984, il fut Président de la Société de Néphrologie, de la Société Française de Transplantation, de la Société Européenne de Dialyse et Transplantation, et contribua en 1960 à la création de la Société Internationale de Néphrologie.

Le Professeur Jules Traeger était Professeur Emeritus de Néphrologie, Membre correspondant de l’Académie nationale de Médecine, Docteur honoris causa de nombreuses universités dans le monde entier. Il avait reçu en décembre 2003 les insignes de Commandeur de la Légion d’Honneur.

Son œuvre est immense, dans tous les domaines de la néphrologie : pionnier de l’hémodialyse chronique puis de la transplantation rénale en France dans les années 60, de la recherche sur les traitements anti-rejet avec le sérum anti-lymphocytaire en 1963, de la dialyse à domicile avec la fondation de l’Association pour l’Utilisation du Rein Artificiel à Lyon (AURAL) en 1974, de la transplantation multi-organes, il fut un promoteur infatigable des innovations thérapeutiques avec ces dernières années une contribution essentielle au développement de l’hémodialyse quotidienne.

Il était un homme curieux, exigeant, attachant et fidèle. Ses innombrables collaborateurs et élèves gardent un souvenir ému de cette brillante intelligence qui vient de s’éteindre.

Maurice Laville

Le monde de la néphrologie est en deuil, le professeur Jules Traeger est décédé ce mercredi 25 mai à l’âge de 96 ans.

Patron de l’école lyonnaise, il restera dans l’histoire de notre spécialité comme un pionnier ayant le premier en Europe traité par hémodialyse les patients en IRC dès 1961, mis en HD à domicile le 1er malade en France en 1966, et en ce qui concerne les transplantations rénales pratiquées à Lyon depuis 1963, il faut signaler quelques xénogreffes en 1964, la mise au point et l’utilisation du SAL à partir de 1968, la première double greffe rein-pancréas en 1976 et une activité de son équipe de transplantation la plus importante de France …

Le professeur Traeger chef de service de néphrologie de 1957-1986, a été aussi directeur d’une unité INSERM à partir de 1968, Président de l’AURAL, Président de la Société de Néphrologie, de l’EDTA, de la Société Française de Transplantation et administrateur des Hospices Civils de Lyon.

Même après sa retraite hospitalo-universitaire, Il est resté très actif, en particulier à l’AURAL où il a œuvré, depuis une vingtaine d’années au développement d’un programme d’hémodialyse quotidienne courte.

Un des pères de la néphrologie mondiale nous a quittés, ayons une pensée pour lui …

Roula Galland